Socialisation ben oui (Eirick Prairat )

 

 

 

 

     « L'enseignement obligatoire et officiel ne procure aux enfants que l'ennui et du dégoût.

 

     Ce n'est pas en enfermant les oiseaux en cage qu'on leur apprend à voler et à se pourvoir en nourriture. Et comme pour se moquer du public, on appelle chez nous écoles libres celles qui sont les mieux fermées et qui ont les plus hautes murailles. »  [*]

 

                                                      "Mémoire d'un paysan Bas-breton"

                                                      de  Jean-Marie Déguignet (1834-1905) (Pocket)

 

 
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     C’est vrai, notre réalité occidentale n’est qu’une superficielle matrice pédagogique et maternante, qui demain s’effacera doucement.
     Déjà derrière les discours de liberté chers à notre éducation occidentale, il n’y a plus que conformisme et étroitesse d’esprit... Il est juste de bon ton de paraitre libre, quant en fait on y apprend l’esclavage librement consenti.     

 

                                   

 

Résumé de « Sanction et socialisation » d'Eirick Prairat (PUF)

 

 

     Il n'y a plus comme jadis cette sorte de moment inaugural au cours duquel les règles étaient établies une fois pour toute. Certes, il fallait bien de temps en temps réaffirmer avec vigueur la transcendance de la règle mais, dans l'ensemble, les situations scolaires étaient plus stables et n'exigeaient pas, comme dans certaines classes de certains établissements, une perpétuelle renégociation du cadre de travail. Le sentiment domine actuellement qu'aucune situation ne peut être durablement stabilisée, qu'aucune norme ne peut être définitivement reconnue, qu'aucune classe ni aucun élève ne peut être considéré comme gagné de manière durable, que les épreuves et les rapports de force sont sans cesse à rejouer, les situations de travail sans cesse à reconstruire.

 

     Il n'y a pas si longtemps, l'obtention du baccalauréat ouvrait la porte des études secondaires qui, elles-mêmes, permettaient presque à coup sûr un emploi moyen ou supérieur. Cette espérance  socioprofessionnelle rendait les contraintes scolaires supportables. Or comme le dit le magazine Phosphore sur le mode de l'humour : « sans le bac tu es rien, avec le bac tu as rien ». Le rapport utilitaire aux études est en train de s'effondrer. La promesse d'emploi que faisait l'école d'hier, promesse par procuration car c'est le marché du travail qui crée et propose des emplois, l'école actuelle ne peut plus la faire.

 

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     En situation d'agression, un être vivant (homme ou animal) a le choix entre trois types de réponse : la soumission, la fuite ou la lutte. On retrouve précisément ce triptyque chez les élèves en échec scolaire. Il y a les apathiques, totalement abattus et démobilisés par ce qui leur arrive, il y a les « décrocheurs », qui fuient l'institution, et enfin, les indisciplinés.

 

     La réflexion sur les fins est donc centrale. On ne saurait s'en tenir à une affirmation lapidaire du genre « on sanctionne pour faire obéir ». Obéir à qui ? A quoi ? De quelle manière ? Pour quoi faire ? La question des fins ne saurait être escamotée.

 

 

     L’École condamne les châtiments corporels peu de temps après que la Révolution a consacré l'abolition des supplices dans la procédure de l'aveu. Cette interdiction réglementaire ne signifie pas bien entendu que les maîtres ont cessé à cette date de lever la main sur leurs élèves, elle souligne une convergence entre les discours scolaires et pénal.

 

     Punir en stigmatisant une faute ou soigner en repérant un trouble dans une personnalité – Défauts, bêtises, gestes défendus, les motifs coupables nous indiquent, de manière indirecte, les valeurs qu'une société se donne.

     Mais qu'est-ce qu'un rappel à la loi si la loi est inique ? Qu'est-ce qu'un rappel à la loi si celle-ci n'est qu'une petite règle tatillonne ? Telle est la légitime inquiétude des tenants de la pédagogie institutionnelle.

 

     L’École est fondamentalement un espace de stimulation. La transgression, dans et sous certaines conditions, participe donc à la construction du sujet politique.

     « Celui qui s'égare pas dans son enfance », écrit le pédagogue hongrois Janus Korczac, « qui surveillé et protégé n'apprend pas à s'empoigner avec la tentation, sera un jour un être moralement passif, l'un de ceux dont la probité ne tient qu'au manque d'occasion de pêcher et non à la force de freins moraux ». 

     L'homme de la rue confond monde social et monde moral.

 


 

     Il faut se garder de la tentation de l'efficacité qui est toujours, qu'on le veuille ou non, sous-tendue par un désir effréné d'emprise et de domination. Il faut oublier les béhaviorismes anciens et nouveaux, tous les avatars psychologisés du dressage et du formatage. (Béhaviorisme : Théorie psychologique qui limite son objet à l'étude des relations entre les stimulis et le comportement).

 

      Le principe de responsabilité est précisément le principe qui ordonne et relie, parfois sur un mode conflictuel, la pluralité des registres impliqués dans la décision éducative. Il est une sorte de facteur virtuel qui accompagne les délibérations dont les décisions sont issues.

      Le principe de responsabilité est un principe méta-étique.

     Le pôle culture n'a pas seulement une dimension instrumentale, il vise aussi à faire entrer chacun de nous dans un ensemble de significations culturelles et symboliques, constituant un univers commun familier où s'élabore une identité individuelle liée à une identité collective.

     Il faut se déprendre de l'illusion panjuridique, illusion selon laquelle seul le lien juridique nous permet de tenir ensemble.

     Les normes sociales prescrivent des modèles de comportement.

 

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                                                                                                 Alphabet du Flower-Power

 

     Les rituels entrent dans ce long et lent processus de codage des corps. Contrôle de soi, mise en forme de sa gestualité et de ses postures, maîtrise de son verbe et de son intonation, travail sur les apparences et les émotions, manière de se dire, de se donner à voir et d'entrer en relation. 

     Les rituels régulent et facilitent les interactions dans la mesure où ils permettent de tenir autrui à distance et d'anticiper son comportement. C'est précisément lorsque le comportement d'autrui est imprévisible que la situation est angoissante, car si rien n'est prévisible alors tout devient possible même le pire. Les rituels servent à réduire l'incertitude liée à toute rencontre, ils diminuent la part d'aléa et d'imprévisibilité inscrite au cœur de toute transaction sociale.

     Le lien le plus fort est peut-être celui qui se voit le moins.

 

 

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PS :

 

     « Ce qui me permit de constater une fois de plus avec quel mauvais bois on fabrique les grands chefs militaires. Il n'était pas possible de trouver de plus bêtes, de plus ignorants, de plus crétins que ces sous-offs qui étaient là, chez les fratres ignaries jesuitorum qui ont pour mission non d'instruire les enfants pour en faire des hommes et des citoyens, mais pour en faire des esclaves et des crétins. Ces futurs officiers m'agaçaient tellement avec leurs discussions et leurs disputes d'une stupidité inouïe …»

 

                                                      "Mémoire d'un paysan Bas-breton"

                                                      de  Jean-Marie Déguignet (1834-1905) (Pocket)

 

             




11/05/2007
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